26.11.08

Fascinations transatlantiques

Voici un extrait du roman de Dany Laferrière, Cette grenade dans la main du jeune nègre est-elle une arme ou un fruit ?, qui me laisse plutôt perplexe. Schématisation un peu réductrice, mais il y a tout de même un fond de vérité puisque moi-même je rêve la France - tout en y étant - alors que j'ai de la difficulté à imaginer qu'on puisse rêver de cette part d'Amérique dont j'essaie tant bien que mal de me purger:

- C'est étrange, vous rêvez la France, comme des Français que j'ai rencontrés rêvent l'Amérique...
Elle éclate.
- Ce n'est pas possible ! Aucun Français ne peut rêver l'Amérique. Il n'y a rien à rêver. Il n'y a que l'argent qui compte ici. De quoi peut-on rêver en pensant à l'Amérique?
- D'abord, de l'Amérique.
Elle fait une moue sceptique.
- Qu'est-ce que ça veut dire?
- L'Amérique. Un mot vaste dans la tête d'un Européen habitué à de petite villes surpeuplées. De là-bas, ils rêvent aux grands espaces, aux Indiens, aux immenses campus universitaires, à cette folie constante qu'est New York...

(...)

- Disons que la France exporte ses produits de luxe et consomme ses produits ordinaires. Les paysans font cela: ils vendent leurs meilleurs légumes et garde ce qui reste.
- Et l'Amérique ?
- Le contraire.
- Comment cela ?
- L'Amérique consomme ses produits de luxe (et les meilleurs produits des autres pays) et exporte ses déchets. Ce qui fait qu'on est toujours un peu agréablement surpris en arrivant ici. On croit les Américains un peu plus ignorants qu'ils ne le sont en réalité.
- Ce n'est pas ce qui se passe à Kirksville... L'Amérique ne serait pas à vous, monsieur, ce que la France est à moi? Un beau rêve.

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